lundi 26 octobre 2015

Travail dissimulé : caractérisation de l’élément intentionnel






 Revue de Presse

Je vous invite à partager le commentaire d'une récente jurisprudence en droit du travail publiée dans le numéro 44 de la revue "Votre Avocat vous informe" édite par les Editions Dalloz et le CNB.


"Le caractère intentionnel du délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi ne peut se déduire de la seule application d’une convention de forfait illicite.

Le travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié fait l’objet d’une interdiction et d’une sanction pénale qui le classe parmi les délits (C. trav., art. L. 8221-5 et L. 8224-1).

Aussi, comme tout délit (C. pén., art.L. 121-3), la dissimulation d’emploi salarié nécessite l’existence d’une intention de la part de l’auteur des agissements incriminés.

L’élément intentionnel du travail dissimulé ne reçoit toutefois pas exactement le même traitement selon que l’on s’adresse à la chambre sociale ou à la chambre criminelle de la Cour de cassation.

La première exige des juges du fond que soit expressément établie l’intention de l’employeur de se soustraire à l’accomplissement des formalités et déclarations visées à l’article L. 8221-5 du code du travail.

Elle refuse, par conséquent, que l’intention soit déduite du seul non-respect de prescriptions légales ou réglementaires, éventuellement consécutif à la conclusion d’un contrat par la suite requalifié en contrat de travail.

L’approche de la chambre criminelle diffère puisque, selon elle, il suffit que les prescriptions susvisées aient été violées en connaissance de cause pour que la dissimulation d’emploi soit caractérisée.

Dans le présent arrêt, une convention de forfait avait été conclue en application d’un accord d’entreprise, conformément à ce qu’exige la loi (C. trav., art. L. 3122-2).

Cependant, ce dernier avait fixé le plafond d’heures annuel au-delà du seuil légal de 1607 heures à partir duquel les heures supplémentaires doivent être décomptées (C. trav., art. L. 3122-4), impliquant, en cas de respect par la convention individuelle de forfait, qu’un certain nombre d’heures de travail ne figurent pas, en tant qu’heures supplémentaires, sur les bulletins de salaire et qu’ainsi une condamnation pour travail dissimulé soit encourue.

Le point clef résidait précisément dans l’établissement de l’élément intentionnel et la chambre sociale refuse que celui-ci puisse être déduit de la seule application d’une convention de forfait illicite.

Fidèle à sa jurisprudence, la chambre sociale consacre néanmoins une hypothèse d’application qu’elle n’avait jusqu’alors entrevue que dans des arrêts inédits.

Elle a pu décider que l’absence de conclusion d’une convention de forfait, pourtant autorisée par un accord collectif, ne caractérisait pas l’intention de dissimulation d’emploi.

Beaucoup plus récemment, elle a suggéré, en présence d’un arrêt qui rejetait une demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé au motif que l’illégitimité d’une convention de forfait ne suffisait pas à retenir l’existence d’un travail dissimulé, de rechercher, au cas où la convention se révélerait illicite, si l’employeur avait eu l’intention de dissimuler le travail du salarié.

L’assertion est aujourd’hui confirmée : la conclusion d’une convention de forfait illicite ne dispense pas d’établir l’intention de l’employeur de se soustraire aux prescriptions de l’article L. 8221-5 du code du travail."

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 juin 2015, 14-16.953,


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jeudi 15 octobre 2015

DURA LEX, SED LEX


Nul n’ignore l’adage Dura lex, sed lex, la loi est dure mais c’est la loi….

Dans deux décisions de 2007 et de 2013, la Cour de cassation est revenue sur la nécessaire précision de la qualification du salarié recruté en CDD.

Dans la première décision, une femme avait été engagée par une société de travail temporaire, en qualité de « juriste fiscaliste », pour deux missions successives (la première entre le 10 décembre 2001 et le 12 juillet 2002 et la seconde du 5 août 2002 au 30 septembre 2002).

Elle avait été licenciée pour faute grave, le  11 octobre 2002, par la société de travail temporaire et avait contesté son licenciement devant le Conseil prud’homal.

Les juges du fond ayant requalifié les deux contrats d'intérim en contrats de travail à durée indéterminée (du 10 décembre 2001 au 12 juillet 2002 pour le premier et du 8 août 2002 au 11 octobre 2002 pour le second), l’employeur s’est pourvu en cassation.

L’un de ses deux principaux arguments était fondé sur la violation de l'article 124-4 du Code du travail. En effet, selon lui, « la cour d'appel, qui décide qu'un contrat de mission doit comporter, outre la qualification du salarié remplacé et celle du salarié intérimaire, leur classification notamment par rapport aux catégories cadre et non cadre et qu'à défaut l'entreprise de travail temporaire s'est placée en dehors du champ d'application du travail temporaire, a ajouté une condition non requise par la loi » et a donc violé les dispositions du texte susvisé.

Mais la Cour de cassation ne l’a pas entendu.

Elle confirme la décision des juges du fond en précisant qu'il « résulte de l'article L. 124-4 du Code du travail que le contrat écrit qui doit être adressé au salarié intérimaire au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition doit notamment comporter la qualification du salarié, ainsi que, s'il s'agit d'un contrat de mission pour remplacement, le nom et la qualification du salarié remplacé ».

Elle ajoute également que la Cour d’appel a « exactement décidé qu'en portant, sur les deux premiers contrats de mission remis à la salariée intérimaire, la seule mention de l'emploi "juriste fiscaliste", la société [de travail temporaire] n'avait pas satisfait aux exigences de ce texte qui imposait que soit précisée la qualification de cadre de la salariée intérimaire et de la salariée qu'elle remplaçait ». (Cour de cassation, chambre sociale, le 21 mars 2007, n° 06-40370)

Pour mémoire, L. 124-4 du Code du travail a été abrogé par l’Ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007 (article 12).
Le texte disposait notamment :
« Le contrat de travail liant l'entrepreneur de travail temporaire à chacun des salariés mis à la disposition provisoire d'un utilisateur doit être établi par écrit et adressé au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition.
Il doit comporter :
[…]
2° La qualification du salarié ;
[…] »



Dans les faits de la seconde espèce de 2013, M. X. avait exercé, à compter du 1er janvier 1986, diverses activités pour le journal Le Courrier picard.

Il avait, tout d’abord, été recruté en qualité de photographe correspondant local de presse ( jusqu'en juillet 2002, « excepté pour la période du 1er décembre 1988 au 31 mai 1989 au cours de laquelle il a conclu des contrats à durée déterminée successifs en qualité de photographe pour remplacer des salariés absents du Courrier picard »).

A partir du 1er août 2002, il avait obtenu le statut de pigiste et avait alterné cette activité « avec des contrats à durée déterminée en qualité de photographe pour remplacer différents salariés absents du Courrier picard » (le dernier remplacement s'étant terminé en août 2009).

La relation de travail entre les parties avait cessé en octobre 2009 et M. X. avait saisi la juridiction prud'homale notamment pour obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 1er décembre 1988.

Débouté de ses demandes de requalification, l’intéressé avait formé un pourvoi en cassation.

A l’appui de sa demande, M. X. soutenait notamment que devait « être réputé à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée qui ne comportait pas la définition précise de son motif ; que cette exigence de précision quant à la définition du motif impliquait nécessairement que le nom et la qualification du salarié remplacé figurent dans le contrat lorsqu'il s'agit d'un contrat à durée déterminée de remplacement ». Selon lui, « en jugeant que la simple mention de l'emploi du salarié remplacé  "photographe"  suffisait à satisfaire à ces exigences légales ». Par conséquent, selon lui, la Cour d'appel aurait violé les articles L.1242-12 et L.1245-1 du Code du travail.

M. X. précisait également qu’il « ressortait des contrats à durée déterminée produits aux débats que la qualification de "photographe" était indifféremment mentionnée sur les contrats à durée déterminée de remplacement, quelles que soient la qualification exacte et la catégorie professionnelle du salarié remplacé, qui n'était pas "toujours la même" ».

M. X soutenait avoir, à plusieurs reprises, remplacé M. Y., qui était le chef du service photographie, toujours sous la qualification de "photographe", qualification qui était donc inexacte. Il estimait donc que la Cour d'appel, qui avait dénaturé les contrats à durée déterminée visés, avait violé l'article 1134 du Code civil.

La Cour de cassation a parfaitement entendu son argumentation et, au visa des articles L. 1242-12 et L. 1245-1 du Code du travail, elle a déclaré :

« Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes qu'est réputé à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée qui ne comporte pas la définition précise de son motif et que cette exigence de précision quant à la définition du motif implique nécessairement que le nom et la qualification du salarié remplacé figurent dans le contrat lorsqu'il s'agit de l'un des cas visés par l'article L. 1242-12 1° du code du travail ;

Attendu que pour débouter M. X... de sa demande de requalification de ses contrats à durée déterminée de remplacement en contrat à durée indéterminée, l'arrêt retient qu'en mentionnant dans les contrats à durée déterminée le nom de la personne remplacée et sa qualification de photographe, qui était toujours la même, la société Le Courrier picard n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 1242-12 du Code du travail ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la simple mention de l'emploi de photographe du salarié remplacé ne permettait pas de connaître sa qualification précise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

La décision de la Cour d'Appel d'Amiens, rendue le 18 janvier 2012, a donc été cassée. (Cour de cassation, chambre sociale, le 23 octobre 2013, n° 12-15482)

Pour rappel, l’article L. 1242-12 du Code du travail dispose notamment que :
« Le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
Il comporte notamment :
[…]
4° La désignation du poste de travail en précisant, le cas échéant, si celui-ci figure sur la liste des postes de travail présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés prévue à l'article L. 4154-2, la désignation de l'emploi occupé ou, lorsque le contrat est conclu pour assurer un complément de formation professionnelle au salarié au titre du 2° de l'article L. 1242-3, la désignation de la nature des activités auxquelles participe le salarié dans l'entreprise ;
[…] »

Nathalie SAUVAGE
Avocate au Barreau de ROUEN
Collaboratrice de Benoît VETTES Avocat



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lundi 12 octobre 2015

Jurisprudence : Harcèlement sexuel d'un supérieur hierarchique




Revue de Presse

Dans la newsletter du site "Service Public", j'ai remarqué une commentaire sur une récente jurisprudence de la Cour de Cassation et je vous invite à en prendre connaissance.


"Une déclaration d'amour n'est pas en elle-même du harcèlement sexuel
Publié le 08 octobre 2015 - Direction de l'information légale et administrative (Premier ministre)

Des messages d'amour adressés à une salariée par son supérieur hiérarchique avec lequel elle avait entretenu auparavant une liaison sentimentale ne suffisent pas à constituer un harcèlement sexuel a jugé la Cour de cassation.

Une salariée licenciée pour faute grave contestait son licenciement, invoquant un harcèlement sexuel de la part de son supérieur.

Elle soutenait que les deux SMS que son supérieur lui avait adressés se référant aux temps « où elle le rendait heureux » et faisant état de la persistance de son sentiment amoureux étaient suffisants pour laisser présumer l'existence d'un harcèlement sexuel.

Les messages ne comportaient aucune menace ni aucune forme de contrainte quelconque destinée à obtenir des faveurs sexuelles manifestement librement consenties auparavant. Les sentiments y étaient exprimés sans impudeur ou indélicatesse. La Cour de cassation a considéré que l'existence de deux messages adressés à la salariée par son supérieur hiérarchique avec lequel elle avait entretenu une liaison, ne démontraient que la persistance nostalgique d'un attachement sentimental de la part de celui-ci.

Dès lors, le comportement de son ancien amant ne pouvait être considéré comme constituant un harcèlement sexuel."


Cour de cassation, Chambre sociale, 23 septembre 2015, 14-17.143 

Les affaires d'harcèlement sont toujours très délicates, ainsi qu'en atteste cette décision de la Cour de Cassation.
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mercredi 7 octobre 2015

Assurance Chômage : décision du Conseil d'Etat du 5 octobre 2015






Revue de Presse

Une décision très attendue a été rendue le 5 octobre dernier et elle est relayée par le Ministère du Travail qui a rédigé le communiqué de presse suivant :

"Décision du Conseil d’Etat ne remet en cause ni les fondements de l’assurance chômage ni les équilibres de la convention 2014.

Le Conseil d’Etat a prononcé lundi 5 octobre l’annulation de l’arrêté d’agrément du 25 juin 2014 en raison d’un point technique relatif notamment aux indemnités de préjudice en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse des salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté ou appartenant à des entreprises de moins de 11 salariés.

Myriam El KHOMRI, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du  Dialogue social, tient à souligner que la décision du Conseil d’Etat ne remet en cause ni les fondements de l’assurance chômage ni les équilibres de la convention 2014. Seules certaines modalités techniques doivent être modifiées.

La ministre précise que l’assurance chômage continue de fonctionner et que les demandeurs d’emploi continueront de percevoir leur indemnisation.

Il appartient aux partenaires sociaux, gestionnaires de l’assurance chômage, de proposer les modifications techniques nécessaires à la convention de façon à ce qu’un nouvel arrêté d’agrément puisse être pris dans les meilleurs délais."


Commentaires et décision du Conseil d'Etat 

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